Depuis plus de 50 ans maintenant, l’Îlot œuvre pour la réinsertion des personnes en grande détresse. Reconnue par les pouvoirs publics (administration pénitentiaire, acteurs de l’emploi et des affaires sociales) pour son expertise dans l’accompagnement des personnes sortant de prison ou sous main de justice, l’association soutient près de 1.350 personnes à l’année. Rencontre avec Christian Vilmer, directeur général.
La première des conditions pour réussir une réinsertion c’est la volonté. Sans volonté, rien n’est possible. La deuxième repose sur la bonne régulation des problèmes médicaux. La plus grande partie des échecs provient de l’alcoolisme, de la consommation excessive de drogue, ou encore de problèmes psychologiques graves. La dimension médicale est donc vraiment fondamentale. Pour le reste, si l’intention existe tout est possible. (…) Il faut être très humble sur l’apport et la récidive. Tout est fragile. Le fait de montrer qu’on peut accompagner, que la société est prête à aider, qu’il existe des bénévoles qui donnent du temps pour les personnes sortant de prison ou sous main de justice a tendance à leur redonner confiance. Contribuer à améliorer « l’estime de soi » est fondamental pour éviter la récidive.
« L’Îlot : un accueil, un toit, un nouveau départ », oui mais qu’est-ce que l’Îlot ? Quelles sont ses origines et ses missions ?
L’Îlot a été créé il y a une cinquantaine d’années maintenant avec comme objectif d’accueillir des personnes dites « sortant de prison » ou sous main de justice pour les aider à se réinsérer. Et même si depuis 50 ans nous nous sommes diversifiés pour des raisons d’opportunité, le public « justice » reste notre cible prioritaire. Par ailleurs, si notre devise scande « Un accueil, un toit, un nouveau départ », l’objectif premier de l’association n’est pas la mise à l’abri. Nous avons, il est vrai, un accueil d’hébergement d’urgence ou de personnes qui sont dans des situations extrêmement précaires mais notre but consiste avant tout à amener les gens jusqu’à l’emploi ou en tout cas une activité.
Tout ce qui est volet réinsertion administrative, sociale est évidemment la base mais l’estime de soi, le savoir-être, les compétences professionnelles et l’activité professionnelle restent la finalité puisque sans emploi et/ou sans activité la réinsertion n’est pas durable.
Votre projet associatif consiste donc à porter une attention prioritaire à la réinsertion du public « justice », mais quelles sont les autres populations auxquelles vous vous adressez ?
Nos missions parallèles contribuent avant tout au projet d’aide aux personnes concernées par la justice mais nous jugeons préférable dans nos activités et nos établissements d’introduire une certaine forme de mixité. Lorsque nous faisons des groupes de formation qui incluent essentiellement des personnes sous main de justice, il est souhaitable qu’il n’y en ait pas 100%. Nous tenons à observer une diversité à tout point de vue.
De manière générale, il existe trois strates dans le parcours de réinsertion : l’urgence, la stabilisation et la réinsertion sociale et professionnelle. Nous, nous nous focalisons essentiellement sur la réinsertion par l’emploi. Nous n’accueillons pas de SDF par exemple, sauf dans notre centre d’urgence à Amiens. Nous nous adressons à des individus cumulant certes de gros problèmes (psychologiques, familiaux, d’addiction…) mais à un stade où nous pensons qu’ils peuvent se réinsérer professionnellement parlant. Nous accueillons donc des personnes qui sont prêtes à venir à des entretiens, à s’engager dans une démarche et à progresser.
Quels dispositifs mettez-vous en place pour accompagner les publics « justice » dans leur reconstruction sociale ? Pouvez-vous nous décrire le parcours d’insertion classique ?
Il y a d’abord le recrutement. Il s’effectue de deux façons. Soit l’administration pénitentiaire ou la justice nous adresse des dossiers qui nous correspondent, soit nous nous déplaçons pour rencontrer directement les « sortant » dans le cadre d’un aménagement de peine. Dans tous les cas, nous menons un entretien de 45 minutes pour évaluer si la personne est prête à travailler à sa réinsertion avec nous, si elle accepte les règles et les contraintes collectives. Une fois que nous nous sommes mis d’accord sur les attentes, la première phase consiste à faire en sorte que la personne se pose et se sente bien, puis à régler toute la partie administrative (carte d’identité, titre de séjour, CMU, impôts…).
En parallèle, il y a une phase d’analyse du projet de la personne. Cette partie est compliquée car lorsque nous rencontrons les détenus leur premier projet c’est bien évidemment de sortir, leur deuxième de « profiter » de leur liberté. Décortiquer leurs capacités et compétences et faire accoucher la personne d’un projet de vie peut prendre du temps.
Plusieurs volets doivent être pris en compte : le volet professionnel avec la construction du projet, le volet relationnel avec la nécessité de retisser un réseau de connaissances, enfin le volet médical et psychologique, les « sortant » cumulant souvent des problèmes d’addiction à la drogue, à l’alcool ainsi que parfois des troubles psychologiques traités par des structures médicales largement mises à contribution.
Et d’ailleurs l’Îlot propose-t-elle en propre un suivi médical et psychologique à ses bénéficiaires ?
En propre non. Nous n’avons pas de structures médicales permanentes dans nos établissements mais nous travaillons en partenariat avec des centres médico-psychologiques comme Sainte-Anne à Paris ainsi qu’avec différentes structures médicales (centres médico-psychologiques ou équipes mobiles psychiatriques) dans les départements que nous couvrons. Nous entretenons aussi des relations étroites avec des associations spécialisées dans tout ce qui est addiction (drogue ou alcool).
Comment êtes-vous organisés au niveau national ? De combien de structures disposez-vous pour mener à bien vos missions ?
Nous possédons huit établissements, historiquement sur Paris et sur la Picardie. Sur Paris nous en comptons trois. Deux d’hébergement à Paris et dans le Val-de-Marne ainsi qu’un chantier d’insertion-formation qui couvre Paris et la Seine-Saint-Denis.
En Picardie nous en avons quatre : un grand atelier d’insertion avec en dur de la mécanique, de la cuisine, de la menuiserie et trois établissements d’hébergement (un pour hommes, un pour femmes et familles, un d’accueil et d’hébergement d’urgence).
Enfin, nous venons d’ouvrir un nouvel établissement à Toulon. Nous n’avons donc pas une répartition nationale mais sommes en train de réfléchir à notre politique de développement.
Quels sont vos partenaires institutionnels et comment interagissez-vous avec eux ?
La Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS ou DRIHL selon les régions) est notre principal financeur. C’est elle qui fixe nos dotations de fonctionnement et les règles de subventionnement. Nous devons donc nous caler sur les orientations gouvernementales qui nous sont soumises en matière d’agrément, de respect d’un mode de fonctionnement et de recrutement fonction des priorités des territoires administratifs que nous couvrons.
L’administration pénitentiaire, quant à elle, nous finance extrêmement peu faute de moyens. Les seuls financements possibles sont ceux que nous obtenons en cas d’accueil à la journée d’un individu dans le cadre d’un aménagement de peine de type bracelet électronique ou placement extérieur validés par un juge d’application des peines. Nous ne sommes donc pas dans une relation financière mais plus dans une relation de proximité. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) avec lesquels nous travaillons avaient parfois tendance à considérer que l’on faisait une partie de leur travail, et notamment la partie susceptible de les intéresser (à savoir la réinsertion). Nous avons donc longtemps été perçus comme des concurrents. Ce n’est plus le cas.
Les relations sont devenues plus fluides et moins tendues avec le temps. Et c’est mieux ainsi d’ailleurs car il va de notre intérêt d’entretenir de bons rapports afin d’appréhender au mieux la problématique du « sortant » de prison que nous allons accueillir après contrat moral. Notre objectif aujourd’hui est d’arriver à travailler plus en amont avec les SPIP et les associations qui les accompagnent, c’est-à-dire quand la personne est encore incarcérée pour réussir à bâtir des liens durables et expliquer notre démarche en faveur d’une logique de progression et d’insertion. Il est important d’établir une certaine forme de continuité dans le parcours de réinsertion dont nous pourrions être le fil rouge.
En ce qui concerne nos partenaires dans le domaine de l’emploi maintenant, nos bénéficiaires doivent être inscrits à Pôle Emploi bien sûr et sur le plan administratif être dans le circuit. Nous travaillons en concertation et sommes complémentaires de toutes structures (Pôle Emploi, missions locales, organismes de formation…) mais il n’y a aucun schéma établi. Il y a des individus qui sortent avec leur dossier prêt, d’autres pour qui rien n’a été fait au préalable pour des raisons sans doute qui se justifient. Il n’y a pas de règles.
La réinsertion par l’activité économique et l’emploi est sans doute l’une des clés d’une réinsertion sociale réussie, quelles sont vos différents chantiers et actions pour y parvenir ?
Nous proposons deux types de chantiers d’insertion.
- Des ateliers en dur axés vers des disciplines telles que la menuiserie, la mécanique ou la restauration. Les personnes qui en bénéficient sont encadrées et formées par des professionnels chevronnés qui les initient à leur métier. Elles sont aussi accompagnées par des conseillers en insertion professionnelle dans leurs démarches pour intégrer ou réintégrer le marché du travail. Ces ateliers font l’objet d’une production dont nous vendons les prestations.
- Des ateliers appelés « Qualification-insertion » qui embauchent et forment au métier d’agent de restauration des personnes sous main de justice. Dans ces ateliers nous ne produisons pas mais proposons un programme d’alternance. Les bénéficiaires sont avec nous un tiers du temps, un autre tiers est dédié à la formation professionnelle, enfin un troisième temps est consacré à des stages et de l’apprentissage dans des établissements de restauration collective ou des restaurants individuels. Ces programmes sont financés uniquement par un appel à la générosité du public puisque nous ne vendons aucune prestation. Pour la plupart des bénéficiaires, les ateliers Qualification-Insertion représentent un premier diplôme qui n’est pas un CAP mais un diplôme qualifiant d’agent polyvalent de restauration.
Combien de personnes sortent chaque année de vos promotions dans les ateliers Qualification-Insertion avec un diplôme et quel est le taux de retour à l’emploi à l’issue de cette formation ?
Nous remplissons à l’année deux promotions d’une douzaine de personnes accompagnées pendant 9 mois. Il arrive que certaines n’aillent pas au bout et rechutent mais c’est assez mineur. Les diplômés trouvent ensuite facilement un emploi dans la restauration collective ou traditionnelle avec une préférence pour le collectif car les horaires sont plus stables.
Pouvez-vous également nous en dire plus sur la Session d’Orientation Approfondie (SOA) que vous avez lancée il y a trois ans avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de Seine-Saint-Denis, que propose-t-elle pour quel taux de réussite ?
Cette session a été créée pour des individus qui bénéficient d’aménagement de peine et sont placés dans des quartiers de semi-liberté, qui ne relèvent donc pas de la sécurité carcérale. Le principe de ces quartiers repose sur une sortie le matin avec obligation de retour le soir selon un horaire prédéfini sous peine de sanction. Entre 2, l’individu bénéficie d’une liberté qu’il met à profit comme bon lui semble. S’il ne veut rien faire de ses journées sinon s’alcooliser, il le peut.
Pour éviter ceci, nous avons pensé que coupler l’aménagement de peine avec une forte incitation à suivre un accompagnement pendant 2 mois pouvait être bénéfique. Tout le jeu de la part de l’administration pénitentiaire consiste à peser sur la personne en disant « si vous ne faites pas ce que l’on attend de vous, vous n’aurez pas de remise de peine ». C’est un moyen de pression certes mais qui permet d’accrocher les individus, de leur faire entrevoir une sortie plus rapide et de permettre au final une meilleure réinsertion.
Notre service propose ainsi des groupes de 10-12 personnes. Durant les 2 mois de leur présence, nous travaillons avec eux en collectif et en individuel pour les aider à faire émerger un projet cohérent, nous essayons aussi de leur trouver des formations, voire un métier.
Le taux de réussite est donc assez difficile à évaluer. On peut le mesurer par exemple au nombre de formations que l’on a obtenues. Mais finalement le vrai taux de réussite, nous le mesurons quand un individu venu chez nous retrouve sa liberté avant la fin de la session et qu’il décide ou pas de continuer. S’il revient, c’est gagné !
Plus globalement, combien de personnes accompagnez-vous chaque année ? Parmi elles combien retrouvent un emploi pérenne et un logement, bref arrivent à s’autonomiser ?
En 2019, près de 1.350 personnes sont passées par l’Îlot. Un total de 563 personnes majeures ont fait l’objet d’un travail d’accompagnement et de réinsertion, dont 62% de public « justice ». Au global, 40% des personnes ayant quitté nos établissement d’hébergement en 2019 ont trouvé un logement pérenne ou adapté à leur situation, et 30% sont hébergés chez des tiers ou en famille.
En ce qui concerne l’emploi, 42% avaient une activité (CDD court ou long, CDI, Intérim, CDDI, …) lorsqu’ils ont quitté l’Îlot. Pour nos seuls chantiers d’insertion, nous atteignons un taux de sorties positives de 50% à Amiens, et de 65% pour l’AQI d’Aubervilliers.
Je ne doute pas qu’il y ait des exemples de réussite, bien au contraire, auriez-vous des parcours à soumettre qui permettraient à d’autres de constater que « tout est possible » ? En clair, quelles sont selon vous les conditions de réussite d’une réinsertion ?
La première condition c’est la volonté. Sans volonté, rien n’est possible. La deuxième repose sur la bonne régulation des problèmes médicaux. La plus grande partie des échecs provient de l’alcoolisme, de la consommation excessive de drogue, ou encore de problèmes psychologiques graves. La dimension médicale est donc vraiment fondamentale.
Pour le reste, si l’intention existe tout est possible.
A contrario, quel est votre taux d’échec ? Êtes-vous en mesure d’ailleurs d’appréhender un potentiel échec (perte d’emploi ou perte de logement) et ainsi d’éviter la récidive ?
Nous accompagnons peu de délinquants lourds, auteurs de crime. Il y en a peu dans les faits. Ils font des peines relativement longues et quand ils sortent ils peuvent mettre un an avant de reprendre leurs marques. Le parcours est extrêmement difficile pour eux certes mais ce n’est pas le parcours le plus compliqué à gérer pour les institutions.
Ensuite, il y a la catégorie des délinquants autour de la drogue. Dans ce cas c’est l’argent facile qui prime. La récidive peut être liée soit au fait qu’ils replongent pour faire comme les copains, soit qu’ils cèdent à la facilité de l’appât du gain. Si on y ajoute les effets négatifs de comportements querelleurs et agressifs liés à la consommation d’alcool ou la prise de drogue, la tâche devient tout de suite plus compliquée. Il y a tout un travail psychologique à mener qui peut être long et pas toujours forcément fructueux. Dans ces cas-là la récidive existe, le parcours est assez chaotique. Et puis un échec n’est pas toujours négatif, cela peut être un moment de bascule du délinquant qui prend conscience que la vie ne peut pas continuer ainsi. Il y a des échecs qui ne sont qu’un creux sur un parcours de remontée, il faut persévérer.
Eviter la récidive passe souvent également par le fait de trouver une compagne, la femme qui stabilise. Tomber sur la bonne personne qui peut donner une autre optique de vie ne suffit pas bien sûr, mais c’est quand même un élément important. Il faut être très humble sur l’apport et la récidive. Tout est fragile. Le fait de leur montrer qu’on peut les accompagner, que la société est prête à les aider, qu’il existe des bénévoles qui donnent du temps pour eux a tendance à leur redonner confiance. Contribuer à améliorer « l’estime de soi » est fondamental pour éviter la récidive.
Que diriez-vous à ceux qui ne croient pas en une deuxième chance ? Ceux qui fustigent la réinsertion d’anciens détenus ?
La première réponse est qu’à un moment ou à un autre toute personne sort de prison, la question est donc « qu’allons-nous faire de cette personne ? ». Ne pas chercher à l’aider à se réinsérer produit un coût social énorme. Le sujet n’est donc pas d’avoir confiance en l’homme et en son pouvoir de rédemption, la société n’a juste pas le choix !
Pouvez-vous nous parler de la situation en milieu carcéral et des conditions de détention, avez-vous pu constater une dégradation au fil des années ?
Nous ne travaillons quasiment pas du tout en milieu carcéral. Nous ne sommes pas visiteurs de prison et peu à l’intérieur.
L’idée que l’on se fait quand même de la condition carcérale c’est que l’architecture de la prison définit tout. Cette architecture est la même depuis des siècles : un système de circulation où vous pouvez avoir des individus très dangereux d’un côté et peu dangereux de l’autre, le tout mélangé mais sans forcément se croiser. Faire en sorte que des individus passent à la préparation de la suite devient dès lors structurellement compliqué voire impossible. Certains pays, dont la France d’ailleurs, commencent désormais à réfléchir à des unités plus petites comprenant 70 à 90 personnes, des unités en ville plutôt qu’en campagne fonction de la dangerosité des individus. La mise en place de quartiers de préparation à la sortie doit faire partie des priorités car comme je le disais plus haut, il est indispensable de préparer les choses avant toute réintégration sociale.
Il faut aujourd’hui repenser les prisons, en construire de nouvelles plus adaptées et surtout expliquer au public que tous les individus incarcérés ne sont pas forcément dangereux, juste paumés. Ils purgent une peine dont l’intérêt de s’évader est relativement limité. Les accompagner dans leur reconstruction est fondamental pour une réinsertion pérenne. Les maisons d’arrêt sont saturées avec un taux parfois de 200%. La situation demande considération mais ce que nous en savons est très banal et connu du grand public.
La Maison d’accueil l’îlot apporte son soutien à des populations extrêmement fragilisées, comment avez-vous géré le confinement de ces derniers mois et à quelles difficultés avez-vous dû ou devez-vous faire face en cette période de crise sanitaire ?
Deux problématiques se sont imposées à nous pendant cette crise : d’une part comment s’organiser par rapport à nos salariés et d’autre part comment s’organiser par rapport aux personnes que nous accompagnons et hébergeons.
Toutes les personnes au siège sont parties en télétravail, donc pas de risque majeur. Dans les établissements nous avons établi une continuité de service. 90% des salariés étaient présents. La difficulté a consisté à anticiper tout le matériel dont on avait besoin : arriver à mettre en place des parois de plexiglas avant que tous les stocks ne se vident, commander des masques en Chine… Il a fallu être réactif sur le plan opérationnel. Je pense que nous avons été bon dans la gestion.
Donner les moyens aux équipes et aux personnes hébergées de se protéger a été une priorité. Nous avons tout financé. Les masques nous ont été fournis en partie par les pouvoirs publics mais au bout d’un mois et demi seulement. Nous avons donc dû mettre en place des fabriques de masques, commander du tissu en France et à l’étranger, trouver les patrons qu’il fallait pour les réaliser. Globalement tout s’est bien déroulé. Nous avons été agréablement surpris aussi par la réaction de personnes accompagnées respectueuses des consignes sanitaires en grande majorité. Nous n’avons pratiquement pas eu de cas avérés et nos bénéficiaires ont bien compris les enjeux.
La majeure partie du personnel de l’Îlot est salariée, pouvez-vous nous parler de ces recrutements et de leur profil (travailleurs sociaux, éducateurs…) ? De combien de salariés dispose l’Îlot pour réaliser ses missions ?
L’Îlot dispose d’une centaine de salariés et recrute en fonction des postes. Les équipes éducatives sont composées d’assistants de service social (homme ou femme) et d’éducateurs spécialisés diplômés. J’aimerais qu’on arrive à se diversifier un peu, que l’on recrute des personnes en reconversion professionnelle de manière à mélanger les approches. Nous avons aussi des chargés de réinsertion professionnelle plus spécialisés dans la technique de recherche d’emploi. Sans être critique je dirais qu’il nous manque des profils qui connaissent le milieu entreprise. Nous nous appuyons plus sur les bénévoles pour cela.
Justement, en parlant de bénévoles, pour quel type de missions faites-vous appel à eux ?
Toutes celles qui ne sont pas assurées par les salariés. On ne prend pas des gens pour faire gratuitement ce que fait le personnel rétribué. A cet égard l’harmonisation du travail entre salariés et bénévoles pour aller vers un but commun n’est d’ailleurs pas toujours facile.
Nos bénévoles s’occupent principalement de l’accompagnement vers l’emploi (préparation à des entretiens, explication du fonctionnement de l’entreprise), certains dispensent des conseils autour du numérique et de l’informatique de type « comment savoir se débrouiller administrativement dans le dédale des sites de la CAF, de Pôle Emploi ». Nous avons également des bénévoles positionnés sur le bien être (la diététique, les soins esthétiques), d’autres qui proposent à nos bénéficiaires des rencontres en entreprise. Des avocats aussi ou encore des bénévoles venus pour échanger, une écoute citoyenne en quelque sorte. Enfin il y a des accompagnements vers des activités plus ludiques, ateliers « théâtre », « numérique » ou « cuisine » proposés par des associations bénévoles comme l’association « Champs Libre » avec laquelle nous travaillons fréquemment.
Comment vous financez-vous ? Quelle est la part entre aides financières publiques et aides financières privées dans votre budget ?
Notre financement provient à 65% du secteur public (la direction départementale de la Cohésion Sociale, les allégements de charges et autres subventions des collectivités locales), 10% provient des ventes de nos ateliers et participations financières, enfin 25% provient du privé (particuliers, fondations et quelques legs aléatoires).
Pouvez-vous nous dire comment vous avez connu le label Don en Confiance et qu’est-ce qui vous a motivé à adhérer aux exigences de la charte de déontologie ?
Quand j’ai pris mon poste, l’Îlot adhérait déjà à la charte. J’ai donc un peu de mal à répondre à cette question mais l’intérêt de la labellisation – il me semble – repose d’abord sur le côté rassurant que cela induit pour le donateur. L’intérêt pour nous consiste aussi à bénéficier du regard extérieur de la structure sorte d’aiguillon pour progresser, mettre le doigt sur les sujets majeurs qu’il ne faut surtout pas lâcher et qui malheureusement passent souvent après l’opérationnel.
Finalement adhérer à la charte représente un complément à notre démarche qualité. Sans cela, nous ferions sans doute moins et moins bien.
Citez-moi deux raisons pour lesquelles ce label vous paraît aujourd’hui indispensable ?
La première raison est que d’être labellisé conduit à consentir à une méthodologie qui consiste à mettre en évidence les risques, les points de fragilité.
La deuxième c’est que cela rassure les donateurs (particuliers, mécènes ou fondations). Il y a un regard porté qui même s’il est bienveillant n’est jamais complaisant. Adhérer aux principes du Don en Confiance nous pousse à donner le meilleur de nous-même et à toujours s’améliorer.
Vos projets pour l’année à venir ?
L’Îlot a 2 gros projets à venir.
- Un projet de rénovation de notre centre d’accueil de 60 personnes au Père Lachaise qui devrait s’achever en 2023. Nous sommes donc obligés d’ici là de trouver un lieu d’hébergement pour 30 personnes, les 30 autres restant en roulement dans une partie du bâtiment non encore en travaux.
- Un projet qui concerne le Val de Marne où nous possédons 2 petites structures ayant du mal à fonctionner car limites en termes de taille. Or nous avons trouvé un superbe endroit entouré de verdure à Fontenay-sous-Bois appartenant originellement à des franciscains dans lequel nous allons pouvoir regrouper toute l’équipe.
Une fois terminés, nous aurons refait tous nos établissements d’hébergement.
En ce qui concerne l’accompagnement maintenant, notre mission lancée depuis un an et demi consiste à renforcer le travail en amont dans les prisons et à obtenir une continuité d’accompagnement « dedans-dehors » en partenariat avec les associations. L’idée serait de faire de l’intégration verticale, créer le fil rouge qui évite les ruptures et les discontinuités : assurer en fait tout le parcours d’intégration d’un « sortant » de prison sans heurt, depuis son incarcération jusqu’à son retour vers une vie sociale normale. C’est un projet long et lourd à mettre en place mais nous pensons qu’il est vital.