Paroles d’organisation

Frédérique Jeske – Directrice générale de la Ligue contre le cancer

Association loi 1901 créée en 1918, la Ligue contre le cancer repose sur la générosité du public et l’engagement de bénévoles et salariés formés pour répondre aux besoins de personnes concernées par le cancer. Composée de 103 Comités départementaux présents sur tout le territoire national, l’organisation est apolitique et indépendante financièrement. Rencontre avec Frédérique Jeske, directrice générale.

Le Président Axel Kahn est arrivé à la Ligue avec pour objectif d’assumer et prendre en compte toutes les dimensions de la lutte contre le cancer. Il tient à s’engager aux côtés des comités départementaux (plus globalement de tous les « ligueurs », qu’ils soient salariés ou bénévoles) sur l’ensemble des missions sociales que nous couvrons (…) 40% des cancers pourraient être évités en prenant en considération les facteurs de risques que constituent l’alcool, le tabac, la « malbouffe » ou le fait de ne pas avoir d’activités physiques régulières. Le cancer représente 400.000 nouveaux cas par an en France pour 150.000 décès. C’est une cause de santé publique majeure.

La Ligue contre le cancer publie sur son site Internet des interviews mensuelles de personnalités médiatiques intitulées « Un certain regard sur le cancer ». A l’évocation du mot cancer, François Busnel parle de manière poétique d’univers lointain, de « constellation ». A vous qui dirigez la Ligue, j’ai envie de vous poser la même question : « Que vous évoque le mot cancer ? »

Le cancer a été pour moi pendant longtemps quelque chose de très lointain également, plutôt une inconnue qui fait peur, un tabou. J’ai d’ailleurs le sentiment que sans y être confronté soi-même, dans sa cellule familiale ou chez un proche, il n’existe pas vraiment. On ne veut pas le voir. En revanche quand il est là, il est terrifiant de brutalité. Il nous met face à notre finitude, au côté fragile et éphémère de la vie.

C’est pour cela que la Ligue s’attèle à libérer la parole sur le sujet afin de changer le regard de la société sur cette maladie qui n’est d’ailleurs pas uniquement une maladie, mais aussi un enjeu de société. Le cancer peut concerner à un moment donné chacun d’entre nous.

Il y a un mot qui me vient à l’esprit quand on parle de cancer, c’est ce mot « COMBAT ». La Ligue accompagne cette lutte de chaque instant pour que les malades puissent déjà gérer un parcours de soin qui malheureusement est bien souvent difficile et qu’ensuite ils puissent retrouver les meilleures conditions de vie.

Pourquoi avoir lancé ce projet ? Est-ce pour faire évoluer justement les perceptions sur le sujet ?

Tout à fait. C’est un concept qui avait pour objectif de partager avec tous la perception de la maladie. Que chacun puisse faire évoluer son point de vue sur ce sujet sociétal. La Ligue a donc recueilli l’approche de personnes inspirantes venues de différents univers, en se heurtant au fil de l’eau à une forme de complexité liée au fait que nombreux sont ceux qui tiennent des propos plutôt répétitifs. Parler du cancer fait finalement appel à des ressorts universels, et c’est plutôt rassurant.

Au-delà de cette expérience, nous constatons aussi que les perceptions sur le cancer ont beaucoup évolué depuis une dizaine d’années. La Ligue contre le cancer y a d’ailleurs contribué en intervenant activement dans la mise en place des « plans cancer », en soutenant la recherche aussi et en favorisant l’instauration d’une stratégie de prévention. Mais nous avons conscience que le chemin reste encore long à parcourir, puisque plus d’un quart des personnes préfèrent encore totalement éviter le sujet.

Comment et pourquoi les malades font-ils appel à vous ?

Ils font appel à nous pour plusieurs raisons. D’abord parce notre promesse est de lutter sur tous les fronts de la maladie. Ensuite parce que nous sommes indépendants et nous nous engageons à lutter contre les inégalités. Enfin nous sommes réputés pour notre sérieux voire une certaine forme d’austérité, qui constitue une réelle crédibilité quand il s’agit de parler de cancer.

Comment êtes-vous organisés et quels champs d’actions couvrez-vous ?

La Ligue est une ONG dont j’ai l’honneur d’être directrice générale depuis plus d’un an aux côtés d’Axel Kahn qui en est le président. C’est une vieille dame de 105 ans, vaisseau amiral de la lutte contre le cancer. Elle comprend 103 Comités départementaux, 600 salariés, 14 500 bénévoles et 820 000 donateurs, c’est vous dire la force de frappe de notre structure pour aider les gens. L’organisation est indépendante financièrement et politiquement, puisque 105 millions de ressources annuelles proviennent en quasi-totalité de la générosité du public.

Nos 4 grandes missions consistent à :

  •  Financer la recherche contractuelle privée sur le cancer (nous sommes d’ailleurs le 1er financeur en la matière)
  • Assurer la prévention, l’information du public et la promotion des dépistages
  • Accompagner les familles et les malades dans le parcours de soin (aides financières, psychologiques, soins de support gratuits sur les territoires…)
  • Mobiliser la société pour défendre les droits des patients et être un acteur de solidarité et de fraternité.

Il faut savoir que le cancer représente 400.000 nouveaux cas par an en France pour 150.000 décès. C’est une cause de santé publique majeure.

Depuis le 28 juin 2019, le professeur et généticien Axel Kahn est devenu le nouveau président de la Ligue contre le cancer, quelles sont ses priorités et sa feuille de route ?

Le Président Axel Kahn est arrivé à la Ligue avec pour objectif d’assumer et prendre en compte toutes les dimensions de la lutte contre le cancer. Il tient à vraiment s’engager aux côtés des comités départementaux (plus globalement de tous les « ligueurs », qu’ils soient salariés ou bénévoles) sur l’ensemble des missions sociales que nous venons d’évoquer. Axel Kahn s’inscrit ainsi dans le renforcement des plaidoyers afin que nous luttions davantage contre la précarité et les inégalités que génère la maladie. La sensibilisation du grand public pour protéger les générations présentes et à venir fait également partie de ses priorités. Nous intervenons d’ailleurs beaucoup dans les écoles pour expliquer aux élèves les facteurs de risques que constituent l’alcool, le tabac, la « malbouffe » ou le fait de ne pas avoir d’activités physiques régulières. Il ne faut pas oublier que 40% des cancers pourraient être évités en prenant tous ces facteurs en considération.

Les actions de terrain pour les malades et leurs proches, ainsi que la promotion du droit des malades constituent également des champs prioritaires pour notre Président.

Enfin en tant que chercheur et généticien, le Professeur est très attaché au soutien de la recherche d’excellence pluri disciplinaire. La Ligue donne à peu près 38 à 40 millions d’euros chaque année pour financer cette recherche.

Très actif durant la crise sanitaire, Axel Kahn semble craindre les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur la hausse de la mortalité par cancer dans les prochains mois. Comment vous y préparez-vous et qu’avez-vous pu observer de votre côté comme potentiels dégâts collatéraux (déprogrammations, retards dans le dépistage…) ?

En novembre 2020, la Ligue a mené une enquête auprès de ses proches au moyen d’un questionnaire diffusé largement qui a permis d’évaluer l’impact de la crise sanitaire sur les malades. Elle a mis en relief que 8% des personnes en cours de traitement ont fait l’objet de déprogrammations d’interventions chirurgicales. Nous savons également que plus de 20% des malades atteints de cancer ont rencontré des difficultés pour accéder aux soins et qu’ils ont souvent été confrontés à un manque d’information du type annulation de consultations par simples applications téléphoniques ou par internet sans explication, ni dates de report.

La Ligue est très vigilante sur ce point, car les déprogrammations ne sont pas sans conséquence en fonction de l’étape du parcours de soin.

Au niveau du dépistage par exemple, on estime à environ 6 mois le retard dans le calendrier. Clairement, il y a eu une chute des participations au dépistage entre mars et la fin de l’année 2020.

Il y a aussi un risque de rater des prises en charge pendant les traitements entrainant des possibilités d’évolution de la maladie qui peuvent être fatales. A ce sujet, la Ligue a eu écho de témoignages terribles de la part de personnes dont les traitements n’ont pas pu aboutir.

Nous avons d’ailleurs essayé de répondre aux inquiétudes majeures par la mise en place d’une ligne spéciale d’accompagnement « Covid et Cancer ». Nos lignes de soutien psychologique n’ont jamais été aussi actives que l’année dernière. Elles nous ont permis de maintenir une certaine proximité avec les malades pour les accompagner au mieux.

Enfin, une fois le traitement achevé, il existe aussi un risque de récidive qui peut ne pas être diagnostiqué pour cause de report. Notre enquête souligne que 36% des personnes suivies après traitement ont été concernées par des reports et des annulations, puisque considérées comme non prioritaires.

Les mois et les années à venir nous permettront donc de mesurer l’ensemble des conséquences générées par ces retards, mais l’on sait fort bien déjà que malheureusement l’année 2020 laissera des traces en ce qui concerne la prise en charge des cancers.

Que représente pour la Ligue contre le cancer la labellisation « Don en Confiance  » ?

La Ligue contre le Cancer est membre fondatrice de ce qui s’appelait à l’époque le Comité de la Charte du Don en Confiance. Nous suivons donc avec diligence les contrôles et sommes très attachés au label que nous valorisons sur tous nos supports d’appel à la générosité. Le label rassure autant les donateurs que les malades et les « ligueurs » finalement. Il est gage de sérieux notamment dans l’utilisation que nous faisons de l’argent qui nous est donné. Personnellement je ressens l’adhésion à la Charte comme faisant partie intégrante de l’ADN de la Ligue.

Est-ce que cette labellisation a amélioré selon vous vos rapports avec les donateurs et a apporté un gage de confiance supplémentaire ?

Sans conteste. En ce qui me concerne, la labellisation fait partie du « kit » de garantie de sérieux dans l’usage des fonds qui nous sont confiés. Elle contribue à créer une relation de confiance entre les donateurs et la Ligue. Elle est donc nécessaire, mais toutefois pas suffisante. Nous essayons en parallèle d’apporter d’autres preuves de transparence à nos donateurs comme la publication de tous nos comptes, la transparence de gestion des fonds. Encore une fois je rappelle que les ressources de notre association proviennent essentiellement de la générosité du public. Ces ressources nous permettent d’être totalement indépendants des autorités publiques et donc de pouvoir mener nos combats au bénéfice des citoyens sans subir de pression.

Quelles relations entretenez-vous avec le Don en Confiance ?

Notre directeur financier et moi-même entretenons d’excellentes relations avec les 2 contrôleurs du Don en Confiance que nous rencontrons régulièrement. Nous considérons ce suivi comme un challenge permanent, une opportunité de continuer à optimiser les pratiques de notre organisation et d’améliorer nos process internes. Nous sommes donc très à l’écoute des suggestions et recommandations.

Et dans le domaine de la recherche contre le cancer, où en sommes-nous aujourd’hui ?

La recherche médicale et scientifique est bien évidemment la clé pour mieux comprendre ce qu’est la maladie. Des progrès majeurs ont été réalisés depuis le début des années 2000 ayant permis une amélioration importante de la prise en charge de certains cancers, notamment les plus courants. Ces avancées se sont concrétisées par la mise en place de thérapies ciblées qui agissent de façon très spécifique sur la cellule cancéreuse, comme les nouveaux traitements par immunothérapie qui viennent renforcer le système immunitaire des malades pour qu’ils puissent combattre plus efficacement le cancer. Ces recherches ont permis de mieux comprendre le fonctionnement des cellules cancéreuses dans l’organisme et d’améliorer de manière très significative le pronostic de certains cancers comme celui du sein, les leucémies ou encore les mélanomes qui sont aujourd’hui des cancers qui se traitent bien.

La Ligue est présente dans le domaine de la recherche. Elle finance et initie des équipes dont les travaux vont couvrir tout le continuum de la recherche sur le cancer. Ces travaux se concrétisent par ce que l’on appelle des « applications au lit des patients » c’est-à-dire la mise en pratique auprès des patients directement. En 2019, nous avons alloué 37,8 millions d’euros de soutien total à la recherche contre le cancer.

Quelles sont les chances de survie aux principaux cancers (ceux qui ont le plus fort taux de guérison et a contrario ceux dont les taux restent encore assez faibles) ?

Cette question est complexe. Chaque patient est différent et chaque organisme va réagir à l’attaque des tumeurs cancéreuses de façon spécifique. C’est pour cela d’ailleurs qu’il est très difficile de traiter les gens. Les réactions ne sont pas toujours les mêmes. Un traitement peut être très efficace pour une personne donnée et ne pas fonctionner du tout sur une autre. Statistiquement, aujourd’hui nous avons certains cancers qui se guérissent très bien comme le cancer du sein et le cancer de la prostate où les taux de guérison, de rémission et de survie sont élevés, d’autres nous laissent encore impuissants. Ce sont des cancers d’ailleurs que l’on détecte tardivement car asymptomatiques. Quand on les détecte la maladie a souvent déjà bien progressé, notamment le cancer du poumon, celui du pancréas ou encore certaines tumeurs cérébrales qui sont assez redoutables. La Ligue soutient bien évidemment la recherche sur ces cancers pour essayer de trouver à la fois des solutions thérapeutiques, mais aussi des manières de diagnostiquer plus précocement.

Y-a-t-il beaucoup d’enfants concernés par le cancer ?

Les enfants représentent très peu de cas mais on en parle beaucoup parce que bien évidemment une telle situation se conçoit mal. De mémoire ils constituent environ 1.500 nouveaux cas par an. Le plus terrible en ce qui concerne le cancer pédiatrique, c’est qu’il est souvent guérissable mais l’espérance de vie est beaucoup moins élevée, puisque couramment les enfants redéveloppent un cancer à l’âge adulte. Qui plus est les traitements de chimiothérapie sont très violents pour l’organisme et laissent des séquelles. La Ligue travaille énormément sur la recherche en cancers pédiatriques pour que les traitements soient moins invasifs et moins impactants sur le développement de la vie à l’âge adulte.

Parlez-nous de la recherche clinique, comment se déroule-t-elle et comment la soutenez-vous ?

Elle est indispensable. Il faut pouvoir mettre à disposition des patients les différentes innovations sans tarder. Cela peut être de nouveaux traitements ou médicaments, de nouveaux types d’interventions chirurgicales et examens biologiques. De nouvelles stratégies thérapeutiques aussi en combinant avec des médicaments déjà connus pour être plus efficaces ou encore de nouvelles manières d’administrer les traitements pour qu’ils soient plus confortables et mieux tolérés. Toutes ces méthodes doivent faire la preuve de leur efficacité clinique et de la tolérance par rapport aux patients, c’est là qu’intervient la recherche clinique.

Elle consiste d’abord en une très longue phase expérimentale en laboratoire appelée la pré-clinique, puis dans un second temps en l’évaluation de tous ces traitements sur un sujet humain dans des conditions très rigoureuses de sécurité, d’éthique et de qualité.

La Ligue possède un double engagement en ce qui concerne la recherche clinique : depuis 2003 nous mettons en place un appel à projet national annuel qui soutient la structuration des plateformes de recherche clinique et des projets spécifiques ainsi que des partenariats pour le financement d’essais promus par des organismes français ou européens.

En 2019 la Ligue a consacré 4,5 millions d’euros au soutien de la recherche clinique. Près de 4.000 patients ont pu bénéficier sur cette même période d’essais cliniques soutenus par l’organisation, dans une centaine d’hôpitaux français.

Les nouveaux protocoles proposés aux patients sont-ils facilement acceptés sans que l’intéressé se considère comme « cobaye » ?

Les personnes atteintes de cancers prennent comme une chance le fait d’accéder à l’innovation. Quand on combat pour sa vie et qu’il existe une possibilité de bénéficier des dernières innovations et des meilleurs spécialistes, on franchit le pas. Notre apport à la Ligue consiste à faire prendre une part active aux patients dans le processus de mise en place des essais cliniques.

Nous avons d’ailleurs créé en 1998 un « Comité de patients pour la recherche clinique en cancérologie » qui s’attelle à impliquer les malades et à améliorer leurs conditions de participation à ces essais. Le Comité se penche notamment sur la relecture de tous les protocoles d’essais cliniques pour aider à les rendre compréhensibles aux patients. Il est un peu le porte-parole du vécu de l’expérience des malades et de leurs proches dans le domaine de la recherche clinique.

Sensibilisez-vous à la recherche clinique ou considérez-vous que c’est un choix personnel ?

Les essais cliniques sont proposés aux patients par leur équipe médicale tout au long de leur parcours (diagnostic, traitement, suivi). Comme je vous l’évoquais, nous sentons bien que les patients veulent participer et non juste subir. La Ligue reçoit pour sa part beaucoup de questions relatives aux essais cliniques. Notre rôle consiste à conseiller et informer le mieux possible par le biais notamment de brochures que nous réalisons, publions et diffusons.

Nous essayons également de mettre beaucoup d’informations sur notre site Internet pour expliquer quelles sont les modalités de ces essais. Et la lecture des documents des essais cliniques par notre Comité de patients représente aussi un atout.

Après, le choix de participer ou pas à un essai clinique doit en effet rester un choix personnel. Ce sont vraiment les équipes soignantes et les outils que la Ligue met en place qui vont éclairer et accompagner ce choix. Mais il s’agit d’accompagnement, en aucun cas d’incitation.

Comment interagissez-vous dans la relation patient-praticiens et patient-aidants ? Quels accompagnements proposez-vous ?

Sur la relation patient-praticiens, la Ligue n’interagit pas directement. Ce n’est pas de notre ressort d’intervenir sur les dimensions qui sont liées aux soins et à la prise en charge médicale. Toutefois, nous avons mené une expérimentation très intéressante appelée le « Patient Ressource Témoin » qui consiste à recruter et former d’anciens patients afin qu’ils interviennent auprès des futurs professionnels de santé dans les facs de médecine, de pharmacie ou écoles d’infirmières. Ces patients vont leur apporter leur vision et la manière dont ils ont vécu la maladie et le parcours de soin. D’un point de vue humain, cette expérience me paraît précieuse car elle permet de sensibiliser les professionnels de santé au ressenti et au vécu de vrais patients.

Sur la relation patient-aidants maintenant, la Ligue déploie dans ses Comités départementaux un soutien psychologique spécifique pour les aidants, organise des groupes de paroles parfois mixtes patient-aidants. Plus globalement, nous accompagnons patients et aidants sur toutes les missions majeures (soutien psychologique, financier, aide au retour à l’emploi…).

En matière de prévention, quel rôle joue la Ligue contre le cancer ?

La prévention est une de nos missions sociales majeures. Elle consiste à apporter à chacun toutes les informations nécessaires sur les risques et les moyens de protection qui existent pour améliorer leur connaissance. Faire prendre conscience au grand public des enjeux et des dangers de certains produits et de certaines pratiques. La Ligue soutient la lutte contre l’alcool et contre le tabac, promeut une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, sensibilise également sur les risques environnementaux à l’exposition au soleil ou l’utilisation de certaines substances comme le bisphénol A. Pour se faire, nous développons des actions d’éducation à la santé en milieu scolaire et dans les entreprises.

Notre deuxième axe de travail concerne la promotion des dépistages. Comment sensibiliser le grand public et améliorer la participation au dépistage pour un diagnostic précoce ? Nous travaillons ainsi sur les dépistages organisés avec des actions systématiques pour chaque type de cancer (mars bleu pour le cancer colorectal, octobre rose pour le cancer du sein…).

Trouvez-vous que les orientations législatives et sanitaires prises par les autorités publiques soient suffisantes ?

La Covid 19 a mis en lumière de réels disfonctionnements. On voit bien que certaines pathologies paient le prix de la crise et c’est regrettable. La démocratie en santé a malheureusement souvent été le parent pauvre dans les décisions politiques et il existe aujourd’hui une grande défiance du public vis-à-vis des autorités sanitaires. Un travail pédagogique important reste à mener auprès des pouvoirs publics pour faire évoluer les choses.

Pour la Ligue, il s’agit d’un moment charnière : le Ségur de la santé sur le fonctionnement de l’hôpital public par exemple est déjà une conséquence de la situation.  

De notre côté, nous avons réalisé en 2020 une grande campagne relative aux pénuries de médicaments qui a mis en relief un problème allant au-delà du cancer.

Au final, le contexte actuel contribue à nos plaidoyers, même si nous avons conscience que la lutte contre le cancer n’est pas seulement un combat qui se gagne par la législation. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer certes, mais ils sont avant tout un outil au service d’un enjeu sociétal. Notre rôle consiste donc à éveiller les politiques au concret de la lutte contre le cancer pour que les décisions prises soient en parfaite cohérence avec la réalité des malades.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la prise en charge du cancer ces dernières années ?

 La Ligue mesure les difficultés rencontrées à travers la parole des malades. Nous avons créé il y a maintenant une dizaine d’années l’« observatoire sociétal des cancers » qui produit annuellement une grande enquête consultable directement via notre site Internet. En 2019 l’enquête portait justement sur le bilan des prises en charge et des parcours de soin. Nos recommandations soulignaient alors l’importance de poursuivre toute la dynamique du rapprochement entre l’hôpital et la ville, la nécessité de faire respecter la loi sur les modalités d’annonce d’un cancer ainsi que celle de réduire les restes à charge pour les personnes malades.

Ce sont des sujets sur lesquels la réglementation et les pouvoirs publics peuvent intervenir et la Ligue se félicite d’ailleurs d’avoir réussi à obtenir du concret ces dernières années, notamment sur les soins de support et les dispositifs médicaux qui peuvent coûter chers (prothèses dentaires, capillaires…).

Comment vous financez-vous ?

Le financement public ne représente que 4% de notre budget. Nous avons environ : 42 millions d’euros de legs et d’assurances-vie chaque année, 45 millions de dons et 7 millions d’euros de manifestations et partenariats avec les entreprises…Notre modèle économique nous permet donc d’être un acteur indépendant.

Quelques mots sur les bénévoles…

La Ligue comprend 14.500 bénévoles actifs qui portent vraiment nos actions. 80% vont être actifs dans les missions sociales et 20% dans la gestion et l’administration des Comités départementaux.

En ce qui concerne les missions sociales, ils sont surtout présents sur le champ de l’aide aux personnes malades par exemple des visites dans les hôpitaux. Ils contribuent également beaucoup aux actions de prévention lors de manifestations et événements dans les territoires.

En ce qui concerne les travaux de recherche, toutes les évaluations des travaux sont réalisées par des scientifiques bénévoles. Plus de de 200 scientifiques français de haut niveau sont ainsi bénévoles à la Ligue et viennent participer à nos comités de sélection.

Enfin dans le domaine administratif, nos bénévoles contribuent aux côtés de nos salariés aux travaux de secrétariat, d’enregistrement des dons, de saisies comptable. Et puis bien évidemment, il y a tous ceux qui viennent contribuer à la gouvernance des comités dans les conseils d’administration.

La Ligue est constituée des « Ligueurs ». Salariés ou bénévoles, ils représentent une communauté portant haut et fort notre action de terrain et tout l’engagement citoyen de notre combat.

Avez-vous une actualité à nous soumettre ?

Oui bien sûr. La Covid-19 et la politique vaccinale sont un sujet majeur sur lequel nous avons lancé un cri d’alarme dans les médias via notre président Axel Kahn. La Ligue a mis en place une campagne médiatique intense relative à la nécessaire accélération de la vaccination et le fait d’en établir des priorités claires. A savoir non seulement le fait de vacciner les soignants dans les meilleurs délais, mais également de vacciner rapidement les personnes à risque, en prévision de la prochaine reprise épidémique qui semble inévitable aujourd’hui au regard de l’arrivée des variants.

Si l’on veut qu’il y ait une meilleure protection de la population et notamment des personnes atteintes de cancer, il faut vacciner le plus massivement et rapidement possible. Le vaccin ARN est un programme scientifique énorme qui nécessite de lutter contre l’intox et les mauvaises informations pour convaincre les hésitants. La Ligue surveille en parallèle l’impact de la vaccination ARN sur les personnes immuno-déprimées. Les premières études semblent d’ailleurs démontrer qu’il n’y a aucun impact négatif de ce point de vue.

Notre message est donc clair : il faut que le gouvernement arrive à s’organiser de façon à ce que toutes les personnes à risque puissent être vaccinées le plus rapidement possible.

Le Professeur Axel Kahn est décédé des suites d’un cancer le 6 juillet 2021.
Le Professeur Daniel Nizri lui succède à la présidence de la Ligue nationale contre le cancer

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