Organisme à but non lucratif ouvert à toutes les causes d’intérêt général, le Don en Confiance a été créé en 1989 par de grandes associations et fondations sociales et humanitaires avec la volonté de préserver une relation de confiance entre les organisations et leurs donateurs. Rencontre avec Rachel Guez, directrice générale depuis juin 2022.
Je suis très attachée à la démarche de RSE. C’est un réflexe à adopter en toute circonstance, quelle que soit la cause. Certains acteurs associatifs, très investis dans la noblesse de leur cause, ont l’impression que la fin justifie les moyens et en oublient parfois d’être vertueux en interne, de se soucier de l’impact qu’ils peuvent avoir sur le plan sociétal ou environnemental. Or les organisations ne peuvent plus aujourd’hui faire l’économie de ces questions, ne serait-ce déjà que par la contrainte législative qui implique des changements. Nous sommes attendus par le donateur également sur cette thématique essentielle. Il va donc falloir insuffler de la RSE dans le secteur à but non lucratif qui ne peut plus et ne doit plus faire l’impasse sur le sujet.
Vous avez rejoint en juin 2022 la Direction générale du Don en confiance pour remplacer Nathalie Blum en poste depuis 8 ans, pourquoi ce choix ?
Issue des métiers du conseil et du secteur de l’industrie, j’ai toujours eu à cœur d’œuvrer pour l’intérêt général sur mon temps personnel. Mes choix professionnels m’ont permis d’acquérir des méthodes de travail, de gestion des opérations et de diffusion des bonnes pratiques qui constituent un socle sur lequel je m’appuie depuis plusieurs années pour m’investir dans ce que l’on appelle l’ESS (L’Economie Sociale et Solidaire) et me réaliser à travers cet axe d’utilité publique et sociale.
Rejoindre le Don en Confiance a un vrai sens dans mon parcours. Celui de travailler pour l’ensemble du secteur associatif qui mobilise des millions de personnes et collecte des milliards d’euros de dons. Celui ensuite, de m’inscrire dans la démarche vertueuse de la mission de l’association qui consiste à assurer la confiance du donateur sur l’intègre utilisation de son don et à renforcer les bonnes pratiques du secteur en diffusant sa Charte de déontologie.
Parlez-nous des missions du Don en Confiance
La mission première de notre structure est de nourrir la confiance des donateurs et d’œuvrer dans leur intérêt en octroyant un label qui garantit le respect de règles déontologiques que nous avons apportées au secteur. Ainsi, toutes les organisations labellisées sont continuellement accompagnées par nos contrôleurs bénévoles qui vérifient qu’elles répondent pleinement aux critères d’évaluation de la Charte. Le rôle de nos contrôleurs consiste également à aider les organisations à évoluer sur le plan réglementaire, sociétal et environnemental en fonction des nouveaux enjeux.
Vous venez de voter un nouveau plan stratégique, quels en sont les objectifs ?
J’ai rejoint le Don en Confiance en juin 2022, au moment du vote de ce nouveau plan en Assemblée Générale. Tout en s’inscrivant dans la continuité, le plan propose d’ouvrir des perspectives pour aller encore plus loin dans les réalisations de l’association ces 30 dernières années.
Les axes tournent autour du renforcement de la confiance aux donateurs. Cela passera par :
- la mise à disposition d’informations pratiques facilement accessibles et exploitables pour permettre la prise de décision éclairée des donateurs – notamment par la refonte de notre site internet,
- la prise en compte dans notre réflexion des enjeux incontournables de RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) scrutés par les donateurs,
- la modernisation de notre label qui va fêter ses 10 ans et a besoin d’un rajeunissement.
Justement que signifie votre label et quel est son intérêt pour le donateur ?
Notre label symbolise une pièce de monnaie, donc le fait de faire un don. Toutefois, donner ne passe pas nécessairement par des espèces sonnantes et trébuchantes mais peut également se réaliser sous la forme d’un engagement en temps comme le bénévolat, par exemple. Depuis l’origine du Don en Confiance il y a plus de 30 ans, l’association s’engage à assurer au donateur que l’utilisation du don réalisé est conforme à l’action qu’il souhaite soutenir. C’est notre leitmotiv et la base de la confiance du donateur qui nous est si chère.
Comment élaborez-vous vos règles déontologiques et comment s’effectue le contrôle de ces règles ?
Les règles déontologiques s’appuient sur une charte évolutive retravaillée chaque année depuis 30 ans. Cette charte examine 3 piliers de fonctionnement d’une organisation : la gestion, la gouvernance et la communication à travers 4 principes fondamentaux que sont le respect du donateur, la transparence, la recherche d’efficacité et enfin, la probité et le désintéressement. A partir de là, nous dressons un certain nombre d’exigences dans la charte et attendons que les organisations s’y conforment avec le soutien de nos contrôleurs qui les suivent dans un contrôle continu. La validation des règles s’effectue au niveau du Conseil d’administration. Elles doivent coller à la réalité, prémunir des risques et des dangers et être un aiguillon permanent pour un progrès collectif.
Comment recrutez-vous vos contrôleurs ?
Nous devons travailler le recrutement des contrôleurs qui, actuellement, repose beaucoup sur de la cooptation. Nous essayons aussi de recruter par le biais de plateformes publiques de bénévolat ou d’associations d’anciens élèves de grandes écoles. Nous recherchons un profil de bénévole spécifique avec une appétence pour le métier du contrôle et du temps disponible, le travail se faisant en continu et à proximité de l’organisation accompagnée.
Le Don en Confiance, c’est plus d’une centaine de bénévoles : contrôleurs, responsables de cercle de contrôleurs et membres de la commission d’agrément confondus. Nos contrôleurs sont dédiés en binôme à une organisation. Les interactions sont fréquentes. Nos huit cercles de contrôle leur permettent de se rencontrer, d’échanger sur leur pratique et de progresser ensemble. La vie associative ayant été mise à mal ces 2 dernières années pour cause de pandémie, notre plan stratégique inclut d’offrir encore plus de possibilités à nos contrôleurs de se rencontrer. Notamment en s’intégrant à des groupes tournés vers des problématiques sectorielles pour partage d’expérience.
Je tiens à préciser que tous nos bénévoles bénéficient d’une formation interne Don en Confiance. Ils viennent du privé (tertiaire, industrie) comme du public, ont exercé dans différents secteurs d’activité (finance, contrôle, communication…), sont indifféremment homme ou femme et ont tout âge. À titre informatif nous venons de recruter une contrôleuse de 27 ans qui prépare l’École Nationale de la Magistrature.
Sont-ils amenés à contrôler plusieurs associations ?
Ils sont amenés à contrôler une ou deux associations en même temps selon la taille de l’association et leur disponibilité. Ils peuvent en suivre plusieurs durant leur bénévolat et renouveler une fois leur accompagnement auprès d’une association. Enfin ils peuvent changer d’affectation pour des raisons d’appétence, d’intérêt ou de mobilité géographique.
Parlez-nous des organisations que le Don en Confiance a labellisées à ce jour, combien et dans quels domaines d’intervention ?
95 associations et fondations bénéficient à ce jour de notre label attribué après une période d’instruction selon les critères de la Charte. En termes de domaines d’intervention, nous couvrons :
- la solidarité en France et à l’international
- l’éducation et l’enfance
- l’environnement et la protection animale
- la santé, le handicap et la recherche
- le plaidoyer
Je vous invite à vous rendre sur ce lien pour découvrir nos organisations labellisées.
Gardent-elles le label à vie ou peuvent-elles se le voir retiré ?
Le label n’aurait pas beaucoup de valeur s’il était donné à vie. Il est régulièrement remis en jeu. Nos contrôleurs suivent les organisations à l’année sur des cycles de 3 ans. Ils sont donc amenés à rédiger des rapports annuels mais surtout triennaux pour rendre compte de la manière dont l’organisation répond aux critères de la Charte. C’est lors du bilan triennal qu’une commission indépendante des instances de gouvernance de l’association se réunit, analyse les rapports, entend les contrôleurs et décide du renouvellement du label. C’est aussi cette instance indépendante qui octroie le label après une procédure d’instruction qui dure approximativement un an.
Peut-on parler aujourd’hui d’un déficit de générosité et si oui, à quoi est-il dû ?
Depuis 2020, on constate plutôt un regain de générosité et une forte mobilisation des Français pour des causes telles les crises sanitaires, les populations menacées par les guerres, les problématiques environnementales … Cela se traduit par une générosité qui ne faiblit pas.
Parallèlement, l’Observatoire du Don en Confiance 2021 mettait en exergue que 75% des Français sont plus susceptibles de faire un don à une association ou à une fondation qui rend compte de ses missions et de la bonne gestion financière des dons.
La confiance est incontestablement le cœur du sujet dans l’acte de donner. C’est pour cette raison que nous attendons les résultats de la quinzième édition du baromètre de la confiance 2022 afin de voir si la tendance se confirme.
Une association labellisée par le Don en Confiance devrait donc motiver à plus de générosité…
Il est assez difficile de mesurer l’impact direct du label sur le niveau de collecte mais en effet si on en croit les résultats de l’Observatoire, les Français devraient donner plus s’ils sont plus en confiance. Par ailleurs ce que nous assurent les organisations labellisées c’est que l’obtention du label leur permet de s’inscrire dans une démarche de progrès, d’accompagner leur structuration et ainsi de mieux répondre aux attentes des donateurs en utilisant plus efficacement les dons.
Vous arrive-t-il de solliciter les associations et fondations ou est-ce une démarche volontaire de la part des associations et fondations pour l’obtention du label ?
Nous ne faisons que répondre à des demandes. Notre réseau nous conduit toutefois à rencontrer des organisations et à parler de notre démarche mais nous ne sommes pas proactifs. Obtenir le label doit faire l’objet d’un engagement volontaire de leur part.
Existe-t-il d’autres labels que celui du Don en Confiance ou plutôt existe-t-il des structures équivalentes ou complémentaires ?
Il n’y a pas de structure totalement équivalente mais il existe l’Institut IDEAS qui propose un accompagnement et un label. Nous sommes plusieurs acteurs à faire partie du même écosystème et à accompagner le secteur de la générosité en France avec différents rôles complémentaires. Don en Confiance et IDEAS sont deux labels qui ont imposé leurs exigences aux associations et fondations. Ils ne sont attribués qu’avec parcimonie au bout d’un long processus d’instruction.
Une actualité du Don en Confiance à soumettre ?
Depuis 2020, le Don en Confiance travaille sur une Charte de déontologie du mécénat d’entreprise dont la publication aura lieu fin octobre. C’est un travail collégial porté par la Coordination Générosités : plusieurs collectifs partageant le même intérêt pour le développement de la générosité. Le groupe de travail a été piloté par le Don en Confiance (pour son expertise en matière de déontologie) avec Admical (pour son expertise du mécénat), le réseau Les Entreprises pour la Cité et le Mouvement associatif. Cette Charte aura vocation dans un premier temps à diffuser des bonnes pratiques et des principes d’actions pour encadrer le mécénat d’entreprise. Elle n’aura pas valeur immédiate d’obligation mais elle permettra aux associations et fondations faisant appel au mécénat d’entreprise d’avoir connaissance des grands principes déontologiques à respecter entre le mécène et le porteur de projet.
A titre personnel Rachel, quelles sont les causes qui vous sont chères ?
Je suis très attachée à la démarche de RSE. C’est un réflexe à adopter en toute circonstance, quelle que soit la cause. Certains acteurs associatifs, très investis dans la noblesse de leur cause, ont l’impression que la fin justifie les moyens et en oublient parfois d’être vertueux en interne, de se soucier de l’impact qu’ils peuvent avoir sur le plan sociétal ou environnemental. Or les organisations ne peuvent plus aujourd’hui faire l’économie de ces questions, ne serait-ce déjà que par la contrainte législative qui implique des changements.
Nous sommes attendus par le donateur également sur cette thématique essentielle. Il va donc falloir insuffler de la RSE dans le secteur à but non lucratif qui ne peut plus et ne doit plus faire l’impasse sur le sujet.