Paroles d’organisation

Jean-Claude Samouiller – Président de Amnesty International France

Jean-Claude SAMOUILLER - Président de Amnesty International France

Mouvement mondial de plus de 10 millions de personnes dans 150 pays et territoires, Amnesty International promeut la défense des droits de l’homme et le respect de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Active depuis le début des années 60, l’ONG milite notamment pour la libération des prisonniers d’opinion, le droit à la liberté d’expression, l’abolition de la peine de mort, l’abolition de la torture et l’arrêt des crimes politiques mais aussi pour le respect de l’ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Rencontre avec Jean-Claude Samouiller, homme de conviction, militant depuis 1994 et aujourd’hui Président de l’organisation en France.

Nous proclamons haut et fort que l’impartialité fait partie de notre ADN. Dès que nous avons connaissance de violations, nous enquêtons, documentons et alertons Nous tenons à souligner qu’impartialité ne veut pas dire neutralité. On nous a reproché d’avoir mis les forces ukrainiennes sur le même plan que les forces russes. Non, il n’en est rien. À  l’époque du 4 août 2022, nous avions documenté plus de 20 rapports sur les exactions commises par les forces russes à Boutcha, Marioupol… Il ne s’agit aucunement de mettre les 2 armées sur le même plan. Dans un cas il y a des violations du droit international humanitaire, des crimes de guerre et vraisemblablement des crimes contre l’humanité, dans l’autre il y a eu mise en danger des populations civiles, ce que ne devrait pas faire une armée. 

Parlez-nous de la création d’Amnesty International, comment est née l’ONG et quelle évolution a-t-elle connu au fil du temps ?

Amnesty International a été créée au tout début des années 60 par l’avocat britannique Peter Benenson attiré par un entrefilet dans un journal en provenance de Lisbonne stipulant que deux étudiants venaient d’être condamnés à 7 ans de prison pour avoir porté un toast à la liberté en pleine dictature Salazar. Rempli d’indignation, Benenson rédige alors un article dans The Observer intitulé Les prisonniers oubliés relayé dans les journaux du monde entier provoquant une réaction d’une incroyable ampleur pour défendre solidairement la justice et la liberté. Il fonde alors Amnesty International, un mouvement dont le but consiste à défendre le droit à la liberté d’expression et à faire libérer les prisonniers d’opinion.

A partir de 1984, les enjeux se sont orientés vers la torture que peuvent subir certains de ces prisonniers puis vers leur disparition illégale à l’origine de 2 conventions internationales portées par l’ONG : une contre la torture et les mauvais traitements, l’autre contre les disparitions forcées. Partant du constat que certains de ces prisonniers politiques sont exécutés, Amnesty International va s’emparer ensuite du combat pour l’abolition universelle de la peine de mort. Enfin, dans les années 2000 Amnesty International connaît un tournant très important en se positionnant de manière plus globale sur tous les droits fondamentaux écrits dans la déclaration universelle des droits de l’Homme, à savoir à la fois les droits civils et politiques (droits d’expression, de manifestation, de réunion, de religion…) et les droits économiques, sociaux et culturels (droit à un hébergement digne, au travail, à la santé, à l’éducation…) pour mener son combat.

Nous sommes également particulièrement vigilants ces dernières années à l’émergence de nouveaux droits fondamentaux comme ceux du droit à un environnement sain, des droits bioéthiques, des droits liés au numérique sur lesquels nous intervenons.

Le 19 juillet 2022 vous succédez à Cécile Coudriou comme Président d’Amnesty International France, en quoi cette organisation correspond à vos valeurs ? Quel est votre bilan depuis votre prise de fonction ?

Je suis militant d’Amnesty International depuis 1994. J’avais environ 35 ans à l’époque et je cherchais à m’engager. J’ai choisi l’association pour son indépendance, son impartialité, son cœur d’action se fondant sur des éléments très concrets comme le droit international des droits de l’homme. Il n’y a pas d’idéologie à Amnesty International, juste la défense des individus dont les droits fondamentaux sont violés. Cela répond à mes valeurs.

En ce qui concerne le bilan depuis ma prise de fonction, je souhaite mettre en avant nos 3 campagnes majeures :

  • La campagne sur les violations du droit international humanitaire et des droits humains résultant de la guerre en Ukraine. Nous sommes toujours très mobilisés dessus.
  • La campagne menée autour des conditions de travail et de vie des migrants au Qatar recrutés pour la coupe du monde de football. Nous sommes pour une indemnisation des travailleurs migrants exploités sur les chantiers et de leur famille pour les milliers qui y sont décédés.
  • La campagne sur l’apartheid en Israël et dans les territoires palestiniens. Nos enquêtes montrent que les autorités israéliennes imposent un régime d’oppression et de domination systématique aux Palestinien(nes)s dans toutes les zones sous son contrôle, au profit de la population juive israélienne. Ce régime s’apparente à un régime d’apartheid, tel que défini par le droit international. 

Emblème de la lutte pour la démocratie en Chine Liu Xiaoboa a reçu le prix Nobel de la Paix en détention. Cet écrivain dissident a déclaré « La liberté d’expression est la base des droits de l’homme, la racine de la nature humaine et la mère de la vérité. Tuer la liberté d’expression revient à insulter les droits de l’homme, étouffer la nature humaine et supprimer la vérité », qu’est-ce que les droits humains selon vous ?

Les droits humains sont les droits inaliénables de tous les êtres humains, sans distinction aucune notamment de race, de sexe, de nationalité, d’origine ethnique, de langue, de religion. Chaque être humain peut jouir d’une trentaine de droits (droits civils et politiques ainsi que droits économiques, sociaux et culturels). Ils vont des plus fondamentaux, comme le droit à la vie, à ceux qui rendent notre vie digne d’être vécue, comme les droits à l’alimentation, à l’éducation, au travail, à la santé et à la liberté. Il est évident que ces droits ne vont pas être octroyés de manière automatique notamment dans certains pays. La liberté d’expression et de manifestation est le socle de ces droits. Elle permet de revendiquer tous les autres. C’est la raison pour laquelle Amnesty International est depuis un an à l’origine d’une grande campagne internationale sur le droit de manifester nommée « manifestez-vous » avec pour objectif que toute personne puisse mener des actions pacifiques et faire entendre sa voix en toute sécurité et sans répercussions négatives.

Les droits fondamentaux sont fragiles et jamais acquis définitivement. La meilleure façon de les revendiquer, c’est de manifester pacifiquement.

Amnesty International a fait du combat pour les droits de l’homme son leitmotiv, quelles actions met-elle en place pour atteindre cet objectif ? En tant que président de Amnesty International France, quelle est votre stratégie pour l’avenir ?

Notre stratégie : continuer les combats !

Le premier moyen d’agir, finalement assez peu connu, est celui d’écrire le droit international des droits humains. Amnesty International a été à l’origine de la convention internationale contre la torture et de la convention internationale contre les disparitions forcées. Nous avons également beaucoup milité, y compris en France, pour l’abolition universelle de la peine de mort et mis toutes nos forces dans la bataille sur le traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale en 1998. Enfin nos derniers combats dans l’écriture du droit international s’inscrivent dans la participation au traité sur les commerces des armes ainsi que, en France, sur la loi vigilance des entreprises en matière de droit à l’environnement et de droits humains.

Autre sujet qui nous tient à cœur celui d’une convention internationale sur la cyber-surveillance garantissant le respect des droits fondamentaux. Aujourd’hui, les technologies de cyber-surveillance sont de plus en plus discrètes, invasives, dangereuses pour nos droits. Une régulation de ce secteur extrêmement opaque nous semble devoir s’imposer pour sauvegarder le droit à la vie privée.

Enfin nous travaillons sur l’adoption d’un traité international sur le commerce des armes dites à létalité réduite (telles que les grenades lacrymogènes ou le LBD 40) afin que l’utilisation de ces armes soient réglementée.

Le deuxième moyen d’action d’Amnesty International consiste à s’appuyer sur l’opinion publique pour faire pression sur les détenteurs de pouvoir politique mais également économique. Pour cela nous enquêtons, alertons et dénonçons les violations en communiquant auprès des médias (presse, tv, réseaux sociaux) ou encore en organisant des soirées-débats. Parallèlement beaucoup de militants interviennent dans les collèges, les lycées, les universités et les quartiers pour expliquer l’importance des droits humains.

Notre troisième moyen d’action c’est « notre stylo » ou notre clavier d’ordinateur pour défendre les personnes dont les droits ont été violés. Écrire des lettres à ces hommes et femmes enfermés, torturés, mais aussi à celles et ceux qui ont le pouvoir de peser sur leur destin tels les gouvernements de leur pays, les gouvernements étrangers, les ambassades ou encore les pouvoirs publics français.

Les défenseurs des droits humains (comme l’était Liu Xiaobo) sont souvent victimes de persécutions et de manœuvres d’intimidation. Emprisonnés et maltraités, ils peuvent même faire l’objet d’exécutions, quel rôle joue Amnesty International pour assurer leur protection ? Avez-vous des cas de belles réussites à nous soumettre ?

Depuis l’origine nous nous battons pour obtenir la libération de prisonniers d’opinion dont certains sont des défenseurs des droits humains. Notre moyen d’action comme nous venons de l’évoquer est l’ envoi de lettres, de cartes , de tweets, de mails… , toute sorte d’écriture pour faire pression sur les autorités. Nous revendiquons aujourd’hui la libération de dizaine de milliers de prisonniers d’opinion mais il en reste tellement dans les prisons que notre travail est une goutte d’eau dans l’océan. Une chose est certaine, chaque fois que nous arrivons à faire libérer un prisonnier, il nous supplie de continuer à agir pour les autres. Recevoir des milliers de messages de la part de militants d’Amnesty International est capital pour ces hommes et femmes prisonniers pour avoir exprimé leurs idées. C’est primordial pour eux de savoir que des milliers de personnes partout dans le monde pensent et agissent pour eux. Cela leur permet de « tenir de coup », leur offre également une protection car on ne torture pas impunément une personne qui reçoit des milliers de lettres du monde entier. Le pire pour ces personnes ce serait qu’on les oublie. Notre travail consiste justement, et depuis l’origine, à lutter contre l’oubli.   

Pour ce qui est d’exemples de belles réussites, nous avons obtenu la libération de l’activiste égyptien-palestinien Ramy Shaath qui a fait campagne pour amener Israël à rendre des comptes au sujet des violations des droits humains, mais également celle de Bernardo Caal Xol, défenseur des droits de la population autochtone q’echi et de l’environnement au Guatemala.

Nous avons obtenu la levée de toutes les accusations contre Taner Kılıç, président honoraire d’AI en Turquie. Enfin nous avons obtenu l’arrêt des poursuites contre Loulia Tsvetkova en Russie pour des dessins publiés sur les réseaux sociaux représentant des corps de femmes et des vulves.

Toutefois, il y a tellement d’autres personnes emprisonnées qu’il est difficile pour nous de nous satisfaire de ces réussites. Cela nous remonte le moral mais nous ne voulons pas faire preuve d’auto-satisfaction et sommes toujours prêts à continuer le combat.

Lors de l’adoption de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme par l’Assemblée générale des Nations unies en 1998, la communauté internationale s’est engagée à protéger ces personnes et à reconnaître le caractère indispensable de leur travail. Où en est-on de cet engagement ? Diriez-vous qu’aujourd’hui la communauté internationale et plus spécifiquement l’Etat français protègent comme il se doit les personnes qui défendent les droits humains dans le monde ?

Non évidemment non. Il y a beaucoup trop de personnes tuées, mises en prison, interdites de droit d’expression, harcelées, torturées parce qu’elles expriment leur opinion. La France par ailleurs est en pleine vague de réalpolitique. Lorsque nous voyons qu’Emmanuel Macron accueille Mohammed Ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite, Benyamin Netanyahou ou encore Narendra Modī en espérant conclure des contrats économiques, nous nous rendons bien compte que les droits humains passent malheureusement au second plan. Notre travail est donc de rappeler aux autorités les violations massives des droits humains commises dans ces pays.

Quels sont les pays qui enfreignent le plus les droits humains et qui refusent de coopérer avec l’ONU ?

Nous nous refusons à Amnesty International à établir un hit-parade de l’horreur mais on peut quand même souligner que des pays comme la Chine, la Russie, la Corée du Nord, l’Erythrée, l’Afghanistan, l’Iran nous préoccupent particulièrement.

Aux Nations Unies, la Chine joue désormais un rôle de plus en plus important. Ses diplomates n’hésitent plus à prendre la parole au conseil de sécurité. Or la question de la violation des droits humains est un sujet majeur quand on sait que des centaines de milliers de personnes Ouîghours, Kazakhs et autres minorités musulmanes sont internées, torturées et persécutées dans des camps dits de « transformation par l’éducation ». La Chine doit être traitée de façon exemplaire.

Comment agissez-vous sur le terrain (notamment en zone de guerre ou dans les régimes autoritaires) pour mener vos enquêtes et votre travail de collecte de preuves afin d’identifier tout manquement aux droits humains ?

Amnesty International dispose d’une centaine de chercheurs salariés qui doivent suivre des protocoles de restitution d’enquêtes extrêmement élaborés et précis. Ces chercheurs partagent leur temps entre la lecture de tout ce qui concerne le pays dont ils ont la responsabilité, la rencontre des diasporas et autres réfugiés politiques ayant fui le pays et les missions de terrain. Après en avoir informé l’Etat, ils se rendent sur place pour interviewer les personnes et collecter des preuves. Par exemple en Ukraine, les chercheurs d’Amnesty International effectuent un véritable travail de fourmi en sondant les populations mais aussi dans des villes comme Boutcha en récupérant des fragments de munition pour établir l’identité des bombes utilisées par tel bataillon sous la responsabilité de tel chef de façon à ce que ces preuves soient mises à la disposition de la cour pénale internationale.

Les chercheurs de terrain suivent un protocole rigoureux établis par des experts de l’armée pour assurer leur sécurité.

De plus en plus, nous effectuons aussi un travail en open source qui nous permet d’exploiter des vidéos, photos et autres documents issus des réseaux sociaux et du web en général. Toute la difficulté résulte ensuite dans l’authentification de ces informations parfois « fake news ». Mais nous avons formé des chercheurs (coordonnés depuis notre laboratoire en Allemagne) pour répondre à ces nouveaux enjeux.

Depuis le début de l’invasion en Ukraine, Amnesty International dénonce les attaques militaires russes et enquête sur les violations des droits humains par la Russie.  Parallèlement, le 4 août 2022, l’association pointait du doigt des tactiques de combat ukrainiennes mettant en danger la population civile, vous reproche-t-on cette impartialité ?

Le Communiqué de Presse du 4 août 2022 nous a été reproché de façon très virulente sur les réseaux sociaux, dans les médias mais également par certains responsables politiques. Pourtant nous proclamons haut et fort que l’impartialité fait partie de notre ADN. Dès que nous avons connaissance de violations, nous enquêtons, documentons et alertons Nous tenons à souligner qu’impartialité ne veut pas dire neutralité. On nous a reproché d’avoir mis les forces ukrainiennes sur le même plan que les forces russes. Non, il n’en est rien. À  l’époque du 4 août 2022, nous avions documenté plus de 20 rapports sur les exactions commises par les forces russes à Bucha, Marioupol… Il ne s’agit aucunement de mettre les 2 armées sur le même plan. Dans un cas il y a des violations du droit international humanitaire, des crimes de guerre et vraisemblablement des crimes contre l’humanité, dans l’autre il y a eu mise en danger des populations civiles, ce que ne devrait pas faire une armée. Nous avons sûrement fait l’erreur de diffuser ce Communique de Presse sans rappeler par ailleurs nos investigations énormes du côté de l’armée russe.

Comment y faites-vous face ?

Dans le cadre des conflits armés, comme en Ukraine, en Palestine ou au Yémen, nous recueillons des informations sur les violations du droit international quels qu’en soient les auteurs et où qu’elles aient lieu. Nous menons ensuite campagne pour y mettre un terme. Pour autant, nous ne mettons jamais sur le même pied l’agresseur et l’agressé : nous sommes du côté des victimes. 

La priorité d’Amnesty International sera toujours de veiller à ce que les vies des civils et les droits humains soient protégés. Si l’on prend Israël, Amnesty International dénonce l’apartheid instauré dans l’Etat Palestien ce qui nous vaut des remarques violentes.

Certains ne se gênent pas pour nous taxer injustement d’antisémitisme ou d’antisionisme en se demandant pourquoi nous ne nous occupons pas plutôt des violations faites par le Hamas. Nous le faisons bien sûr mais en expliquant la différence d’intensité et de nombre de victimes. Nous prenons position, disons les choses, en étayant nos discours, ce qui nous vaut des reproches de la part de groupes de pression qui croient que leur cause est suffisamment noble pour justifier certaines exactions.

Parlez-nous du plaidoyer, comment s’organise-t-il dans votre ONG et surtout est-il efficace ? Vos plus beaux succès en la matière ?

Amnesty International instaure un dialogue permanent, constructif et sans complaisance avec les décideurs politiques et les acteurs économiques afin de les sensibiliser et de les influencer dans leur prise de décision. Depuis 1964, nous bénéficions déjà d’un statut consultatif spécial aux Nations unies, qui nous a permis d’influer sur des événements cruciaux relatifs aux droits humains (adoption de conventions clés comme celles contre la torture et les disparitions, adoption d’un traité modérant le commerce des armes, création du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme…). Agnès Callamard, Secrétaire générale de Amnesty International depuis 2021, a largement contribué – avant sa prise de poste et en tant que rapporteuse spéciale auprès des Nations Unis – à faire bouger les lignes.

Parallèlement, certains salariés de Amnesty International France rencontrent régulièrement des ministres (notamment celui des Affaires étrangères et de l’Intérieur) députés et sénateurs pour leur faire part des positions de l’ONG.

Enfin nos membres (militants de terrain) sont souvent appelés à mener des actions de plaidoyer auprès de leurs parlementaires et de leurs élus locaux dans le cadre de campagnes conduites par le mouvement ou à l’occasion d’un débat législatif. AI est avant tout une organisation de militants qui compte 450 structures locales en France – dont 200 antennes jeunes dans les collèges, lycées et universités – en charge du plaidoyer local. Aller voir son député a finalement plus d’impact que les courriers type envoyés au niveau du siège. Ce plaidoyer est essentiel pour l’organisation.

Alors que 160 millions de filles et de garçons travaillent dans le monde selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le travail voire l’exploitation de mineurs fait polémique en Australie, Italie et USA, vous qui êtes à l’origine de la loi sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de droit à l’environnement et de droits humains, comment appréhendez-vous ces sujets et qu’apporte cette loi ?

La loi sur le devoir de vigilance est une loi française conçue entre certains responsables politiques et la société civile dont Amnesty International. Ce texte marque une avancée historique pour le respect des droits humains par les multinationales. Il est novateur et exige des grandes entreprises qu’elles publient et mettent en œuvre un plan de vigilance devant indiquer les mesures établies pour identifier et prévenir la réalisation de risques d’atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales y compris chez les sous-traitants et fournisseurs. La responsabilité civile des entreprises peut ainsi être engagée par des victimes ou des associations devant un juge français en cas de défaut de plan ou de manquement à sa mise en œuvre effective. C’est là un véritable accès des victimes à la justice.

Le travail d’Amnesty International consiste à faire remonter l’esprit de ce texte au niveau européen et à veiller à ce que tous les pays européens s’inspirent de cette disposition en développant des législations qui vont dans le même sens.

Le gouvernement prépare un projet de loi « Asile et Immigration » 2023 qui devrait être débattu à l’Assemblée Nationale à la rentrée, qu’attendez-vous de ce projet ?

Il s’agit du dixième texte en vingt ans qui comme les autres aura les mêmes conséquences : le recul des droits des personnes exilées et la détérioration de leurs conditions d’accueil.

Nous serons donc prêts en septembre pour faire valoir notre position qui consiste à ne pas transiger avec le droit d’asile. En signant la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, 135 pays se sont engagés à donner une protection aux personnes persécutées dans leurs pays. Amnesty International veillera à ce que cet engagement soit respecté. Par ailleurs Toutes les personnes présentes sur le territoire français, quelle que soit leur situation administrative, doivent pouvoir jouir de l’ensemble de leurs droits fondamentaux : droit à l’éducation, à un hébergement digne, à la santé… Cela ne veut pas dire que nous nous opposons au OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), si la personne n’a pas son statut de réfugié il est normal qu’elle soit renvoyée chez elle, mais tant qu’elle est sur le territoire, on ne peut empêcher ses enfants d’aller à l’école, la famille de se faire soigner ou de disposer d’un logement. Ce sont ces droits fondamentaux que nous devons défendre et nous les défendrons.

Vous avez choisi d’être labellisé par le Don en Confiance, qu’est-ce que le label « Don en Confiance » apporte à votre organisation ?

Nos financements proviennent uniquement de la générosité du public. Nous refusons toute subvention de la part de l’Etat, des collectivités locales ou des entreprises. Cette indépendance financière est le gage de notre impartialité et de notre crédibilité. C’est pourquoi le label « Don en Confiance » est très important pour nous. Il représente une vraie garantie pour les donateurs, celle que leur argent sert à notre objet social et n’est pas détourné pour d’obscures causes.

Le Don en Confiance place le donateur au centre de sa démarche. Est-ce que votre organisation s’en sert comme d’un levier, comme d’une fierté ?

Les rapports, enquêtes et suivis fait par les contrôleur(e)s bénévoles du Don en Confiance nous obligent à être très exigeants. Cette exigence est pour nous une condition nécessaire pour que nos donateurs, considérés comme partie intégrante de notre mission et de nos combats, aient confiance en notre organisation.  C’est pourquoi nous faisons de cette labellisation une fierté. Elle garantit à chaque donateur que :

  • l’organisation s’est engagée à respecter l’ensemble des dispositions de la Charte de déontologie et que le contrôle exercé par le Don en Confiance n’a pas révélé de manquement de nature à remettre en cause l’octroi du label ;
  • les dirigeants de l’organisation sont recommandables, en ce sens qu’ils exercent leur mandat de façon désintéressée, en ayant le souci de la régularité statutaire ;
  • les moyens dont dispose l’organisation sont utilisés pour obtenir la meilleure efficacité de l’action mise en œuvre ;
  • la communication déployée par l’organisation s’inscrit dans le respect tant à l’égard des personnes concernées par la cause que du donateur ;
  • l’organisation pratique la transparence, c’est-à-dire qu’elle dit bien ce qu’elle fait et qu’elle fait bien ce qu’elle dit. ​

Une actualité à nous soumettre …

En France et dans de nombreux pays dans le monde, les armes dites à létalité réduite utilisées par les forces de l’ordre en manifestation mutilent et tuent. Parce qu’elles sont aujourd’hui utilisées de manière abusive, il est urgent d’encadrer et de réglementer leur production, leur usage et leur commerce par un traité international. C’est pourquoi nous lançons une campagne mondiale de sensibilisation et de mobilisation à ce sujet.  

Nos yeux sont également rivés sur les atrocités commises au Soudan. Depuis le 15 avril 2023, ce pays est en proie à un violent conflit opposant les deux principales forces armées. Attaques délibérées et aveugles, pillages systématiques, violences sexuelles… je vous invite à lire notre article pour en savoir plus sur ce qui se passe là-bas.

Le Don en confiance préconise spécifiquement aux associations et fondations à but non lucratif faisant appel public à la générosité de réaliser chaque année un Essentiel. C’est un document d’information clair, synthétique et pédagogique destiné au grand public. Il décrit en quelques pages ce qu’est l’organisation, ses principales réalisations de l’année, l’ensemble des fonds reçus, leur origine et leur utilisation, en particulier ceux provenant de la générosité du public, et le cas échéant les principaux écarts par rapport aux années précédentes, ainsi que les événements significatifs intervenus dans l’année. 

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